Sybil Calvagh - Oh if I was free, I'd fly in between the moons of indolence, and I'd ride on the back of a shooting star

Tes émotions, t'as jamais cherché à les cacher. Quand quelque chose te déplaît ou au contraire t'anime d'un sentiment positif, ça se lit tout de suite sur ton visage que tu essayes pourtant de garder fermé pour les étrangers. Mais tu ne restes pas longtemps de marbre, trop pleine de choses qui débordent et qui finiraient par te faire exploser si tu les conservais à l'intérieur de ta petite tête trop remplie. Alors voilà, tu existes à mille pourcents, tu laisses ton côté émotif prendre le dessus dans les bons comme dans les mauvais moments. Ta colère aussi tu la laisses éclater quand elle doit sortir, quand quelque chose te semble injuste ou mal venu. Mais tu es la première à aimer rire de bon cœur avec les gens que tu apprécies, ceux qui te font voir des couleurs qui n'existent pas et qui ne t'empêchent pas d'être libre.

Parce qu'au fond de toi, tu as une soif de liberté et d'adrénaline que peu de choses et peu de gens parviennent à contenir. Tu es une bombe, tu exploses de tout ton cœur et de tout ton corps dans la passion qui t'anime : le patinage. Que ce soit sur la glace ou sur le bitume, tu te laisses glisser à toute allure pour ressentir le frisson grisant de l'action. Ça te plait, ça te rend vivante. Et rien au monde ne saurait te brider ou te priver d'exister comme on a cherché à le faire par le passé. Ils n'ont jamais réussi à te mettre en cage, ni sur ce qu'ils appellent le droit chemin. Tu n'es pas faite pour la vie de madame tout le monde ; tu ne l'as jamais été.

Passionnée, tu l'es aussi d'une personne qui a su te donner le cap quand l'ambiance à la maison te tirait vers le bas et que l'école te rajoutait du poids. Elle s'appelle Mia, et elle ne te connait pas mais tu avais des photos d'elle imprimées sur le mur de ton ancienne chambre. Elle t'a donné envie de t'améliorer encore en patinage et aussi d'apprendre un jour à conduire une moto aussi bien qu'elle. Elle représente pour toi la liberté, la passion, les gens hors du commun et ceux qu'on admire de tout son cœur. Elle est ton modèle, la raison de ta venue à New-York plutôt que dans n'importe quelle autre ville du monde lorsque tu as fuis ton passé.

Certains diront que tu es impulsive et bornée, que tu prends des décisions irréfléchies comme si elles étaient aussi bénignes qu'une couleur de cheveux. La vérité c'est que même s'ils ont un peu raison sur la spontanéité de tes actions, tu mesures tout de même l'étendue de ce que tu t'apprêtes à faire et prévoies généralement un plan de secours. Enfin, dans la plupart des cas. Et puis ce que les autres pensent au final ça t'es bien égale. Qu'on te voit comme une tête brûlée qui n'écoute pas les conseils avisés, ça te fait bien sourire. Tu ne vois pas le mal à assumer tes convictions et tes idéaux au maximum ; quand tu as un plan en tête tu veux aller jusqu'au bout. C'est à la fois ta force et ta faiblesse. Savoir persévérer est une chose, ne pas savoir s'arrêter en est une autre. Mais tu es jeune, tu n'as pas encore assez de recul sur le monde et tu feras encore bien des expériences. Les gamelles, ça te fait pas peur. Ni dans la vie, ni à roller. Alors tu fonces et tu ne t'arrêtes jamais, tu te relèves toujours.

Ce qui est certain néanmoins c'est que tu n'as pas un mauvais fond, loin de là. D'ailleurs, tu es toujours prête à tendre la main à quelqu'un dans le besoin ; entre parias il faut se soutenir et tu as bien compris que dans la vie un coup de main n'était jamais de trop pour - à défaut de changer le monde - changer une vie, ou même juste une journée. Tu es de nature à partager ce que tu possèdes, à ne pas t'attacher matériellement - sauf à tes rollers - et à te contenter de peu de biens. Si tu peux apporter un sourire sur le visage de quelqu'un, le faire rire avec tes idioties, ce sera toujours un plaisir. Tu aimes ça, te marrer pour des bêtises. Faire l'enfant avec qui voudra bien partager ces moments de complicité avec toi, piailler n'importe quoi en escaladant un muret pour te poser et refaire le monde en bonne compagnie. Tu es rêveuse, loin d'être tête en l'air, mais tu apprécies t'allonger dans l'herbe d'un parc la nuit pour regarder les étoiles - ou plutôt les lumières de la ville qui les cachent - tout en parlant pendant des heures avec des gens qui te comprennent, des gens qui te voient pour ce que tu es et non pas pour ce que tu aurais pu être.

2045 : Naissance en Ecosse dans une famille de la classe moyenne.

Tes parents ont fait ce qu'ils avaient à faire ; ils se marièrent, vécurent malheureux et eurent beaucoup d'enfants. Enfin, trois au total. Tu es la dernière de cette petite famille de la classe moyenne et tu rayonnes déjà comme un phare au milieu de l'océan. Tu es intenable, débordante d'énergie et difficile à canaliser. Au départ, tes parents pensent que tu es l'enfant qui va les réconcilier, faire briller leur union et leur donner l'impression de ne pas avoir tout gâché de leur vie. Mais bien vite ils vont se rendre compte que ce n'est pas avec un bout de scotch sur une fissure que l'on répare ce qui a été cassé. Tu n'es pas facile à vivre ; tu en demandes beaucoup, tout le temps. Tu poses des questions sans arrêt sur le quoi du comment et tu gigotes dans tous les sens. Tu te blesses, tu les inquiète, mais toi tu t'en fiches et tu y retournes aussitôt pour vivre de nouvelles aventures. Ils ignorent encore ce qu'ils vont faire de toi si ce n'est te couper les ailes avec une éducation plus stricte. Parce que toi l'école, tu t'en fous. Tes résultats sont loin d'être exceptionnels et tu préfères faire rire tes camarades avec des grimaces et des lancés d'avions en papier avec des mots écrits dessus, pendant que le professeur cherche désespérément à donner son cours.

A la maison, ça crie beaucoup. Déjà parce que ton frère et ta soeur bien plus âgés que toi ont pris des chemins différents de ce que tes parents avaient prévu pour eux, et ça les dépasse qu'on puisse vouloir faire sa vie autrement qu'en suivant la voie que tout le monde emprunte. Alors ils envoient ton frère à l'école militaire et forcent ta soeur à entamer des études de médecine qu'elle échoue pour se rabattre sur une école d'infirmière. C'est plus difficile et moins bien payé, mais tes parents serrent les dents : au moins, deux sont casés dans la vie active et peuvent se débrouiller tout seuls. Ils auront une famille, des enfants ; le cycle continuera. Ce ne sont pas les hivers qui sont trop longs, ce sont leurs cœurs qui sont trop froids. Tu ne les comprends pas, mais tu es encore trop jeune pour mesurer l'étendue de la situation. Pour toi, le plus important c'est de vivre des aventures passionnantes après l'école, ton moment préféré de la journée.

2053 : Premières gamelles, début d'une passion

Finalement, il y a une chose qui finit par attirer ton attention plus que le reste et par canaliser un peu ton énergie, pour le plus grand bonheur de tes parents qui commençaient à désespérer. Ta passion pour le patinage est née, ainsi que celle du roller. Dans ces disciplines, tu découvres que tu es capable d'être concentrée et appliquée, de suivre les conseils et les explications des professeurs sans te donner en spectacle. Bien évidemment, ton petit côté canaille ressort de temps en temps, mais on ne t'en tient pas rigueur car tu progresses très rapidement tant ces activités te plaisent. Le patin à glace, tu en fais en club. Le roller, tu en fais toute seule de ton côté. Et ça te plait, tu as l'impression de voler. C'est un mélange d'adrénaline et de liberté que tu ne retrouves nulle part ailleurs. C'est le calme après la tempête avant l'ouragan.

Pour autant, tes résultats scolaires ne s'améliorent pas et tes parents menacent de te priver de ta passion si tu ne te ressaisis pas un peu. Sauf que sur toi, la menace ça fonctionne pas. Si jeune et déjà tellement bornée ; ton entrée au collège n'arrange rien car tes camarades sont beaucoup trop différents de toi et tu deviens rapidement le mouton noir de la classe. Eux sont le soleil de tes nuits ; inutiles et gênants. Tu ne te plais pas dans ton environnement et tu as l'impression permanente qu'on essaye de te brider, de te faire rentrer dans une case, de te forcer à convenir à une norme qui ne te correspond pas. Les moqueries vont bon train ; tu ne les écoutes pas. Il y a des mots pour tout et on en fait des phrases pour rien. Mais même si tu te persuades que cela ne t'atteint pas, il y a forcément une part de toi qui est touchée par le rejet et la solitude. Chez toi, l'ambiance n'est pas idéale. Tes parents ne s'aiment plus mais ils restent ensemble pour convenir à l'image du mariage réussi. A l'école, tu es la cible des railleries des autres et les professeurs n'arrangent rien à tout ça. Dieu nous hait tous, c'est une évidence, mais tu n'as pas l'intention de t'écraser sans répliquer.

2059 : Le lycée, l'adolescence, le reste.

Si jusqu'ici ton attitude servait à faire enrager les autres pour te donner l'impression d'exister et leur prouver qu'ils ne gagneraient pas contre ta force mentale, tes petites frasques font de moins en moins rire les professeurs, surtout lorsque tu commences à sécher les cours pour t'adonner à ta passion en secret. La vie te sourit ; elle se moque. Tu es régulièrement convoquée dans le bureau du proviseur et tes parents ne savent plus quelle méthode employer pour te ramener dans le rang. Ils ont arrêté tes cours de patinage, ont confisqué tes rollers - que tu finis toujours par dénicher dans une planque de la maison pour aller à l'encontre de leur punition - ils t'ont privé de sortie mais tu continues à faire le mur... Rien n'y fait ; le monde te déteste et tu le lui rend bien. Tu auras réussi l'exploit d'être seule et mal accompagnée. Ils ont honte de toi. Parfois, tu te demandes même s'ils t'aiment encore. Mais la réponse t'importe peu parce que tout ce qu'ils cherchent à faire c'est te forcer à rester au pied et à devenir quelqu'un de sage, de normal, une personne à envoyer dans la société actuelle et qui saura répondre aux besoins du capitalisme et à l'idée de la famille.

C'est là qu'elle arrive dans ta vie, cette étoile lointaine et brillante qui te donne la force de continuer à te battre pour ta liberté. Au début, c'était juste une vidéo sur Youtube qui t'a impressionnée. Puis il y'en a eu d'autres, et des articles de presse, un blog à son sujet, une chaîne Youtube et même un site internet. Elle s'appelle Mia, et c'est un ange tombé du ciel. Elle fait des shows à moto qui t'en mettent plein la vue, qui t'inspirent et font naître en toi un désir irrépressible de connaître la sensation de vitesse sur un deux roues comme le sien. Ça a l'air encore plus génial que le roller et le patin. Ça a l'air dangereux, exaltant, palpitant. Tu imprimes des photos d'elle que tu colles sur les murs de ta chambre. Le soir, tu t'allonges dans ton lit et tu regardes ton plafond en imaginant une vie bien différente de la tienne. Toi aussi tu voudrais faire quelque chose de grandiose, comme elle. Tu voudrais inspirer, donner de l'espoir et le goût de l'aventure à des gens. Tu voudrais qu'on te regarde pour ce que tu es ; une personne pas comme les autres et qu'on t'admire pour ta différence plutôt qu'on se moque.

Ton premier piercing voit le jour. Tes parents sont furieux ; ils menacent de t'envoyer comme ton frère à l'école militaire, parce que lui ça l'a bien calmé. Tu leur craches ta haine au visage et le faible lien qui vous unissait encore finit par se détériorer entièrement. Ils ne te comprennent pas, ils ne te prennent pas comme tu es. Alors tu décides de commencer à teindre tes cheveux, à sortir la nuit pour fréquenter des groupes de punks qui traînent dehors. Un d'entre eux est tatoueur, alors tu lui demandes de te faire un petit quelque chose sur la peau, n'importe quoi du moment que ça fasse comprendre à tes parents que tu ne seras jamais celle qu'ils voulaient que tu sois. Et puis tu prends goût à ça, à toutes ces modifications physiques qui te rendent encore plus unique et qui te donnent une véritable identité. Les piercings et tatouages se multiplient ; l'amour de tes parents se divise. Tu as dix-sept ans et tu prépares déjà ton départ définitif de la maison dans leur dos. Tu te promets que le jour de ton prochain anniversaire tu mettras les voiles pour de bon. Tu n'as pas une thune en poche, mais tu te débrouilleras.

Tu décides de faire quelque chose qui ne te ressemble pas ; voler de l'argent. Mais c'est à tes parents que tu le prends, en te promettant que malgré ce que tu penses d'eux un jour tu les rembourseras, quand tu pourras. Tu n'es pas une mauvaise personne, c'est juste que l'urgence de la situation te prends au dépourvu. Tes dix-huit ans sonneront dans une semaine et tu as déjà un passeport et une carte de séjour pour te rendre dans la ville où habite Mia. Tu n'as aucune idée de la façon dont va se dérouler la suite des événements, ni même si tu trouveras un emploi là-bas. Une chose est certaine, tu veux la rencontrer. Tu veux la remercier pour ce qu'elle fait. Tu veux devenir comme elle, apprendre à conduire une moto et te perfectionner dans le patinage et le roller. Rien ne te retient ici ; tu n'es pas faite pour rester dans cette prison qu'on a forgé autour de toi. Tu vas tout jeter et puis garder la poubelle.

2063 : Quel bruit cela fait-il de tout laisser tomber ?

Certains diraient que tu es partie sur un coup de tête ; pour toi c'était parfaitement réfléchis. Cela peut sembler dangereux et irresponsable de tout plaquer pour aller dans une ville qu'on ne connaît pas, sur un autre continent, sans assez de ressources financières à part une petite somme pour se payer une auberge de jeunesse pendant quelques temps. Mais tu sais que tu peux y arriver, que toi aussi un jour tu deviendras une étoile et que ta différence fera ta force. En attendant, voilà que tu débarques à l'aéroport de New-York et que tu décides de marcher avec ton gros sac à dos remplis de fringues, de tes papiers et d'une photo de Mia pour te donner du courage. Pas question de prendre le taxi ou de gaspiller le peu d'argent que tu as inutilement. Tu trouveras un coin où te caser pour la nuit, quitte à dormir dehors même si pour une fille de ton âge ce n'est pas raisonnable. Tu découvres rapidement les grandes lignes de la ville ; la guerre qui divise les hybrides des humains, les groupes tels qu'Humanis ou Unity et aussi les Deviants. Tu as encore beaucoup à apprendre, mais ta priorité reste de la trouver. Elle qui pourra peut-être t'offrir la chance de t'épanouir dans quelque chose qui est fait pour toi. Elle qui est ton symbole de la liberté, de l'inaccessible. D'une vie meilleure hors des sentiers battus.

Free, and I was free
I didn't even know that I'd been captured
But I remember the call, I remember the call
I remember when your voice came through the wall
And I was there and I was scared
I didn't even know that you were listening
And all those times I was shaking my head
From all the things I'd said