D'une naissance en captivité après que son père soit mort au combat durant la guerre opposant Arjun-Kamat et Ashadhi, la terre natale de ses parents, et que sa mère ait été faite captive pour servir de danseuse au palais royal. Alsaahir, dès qu'il est en âge de pouvoir être utile, se retrouve esclave pour des tâches comme le service au palais royal. Il se montre rapidement espiègle et réticent à l'autorité ce qui lui vaut de sérieuses réprimandes. Mais sa survie tient au fait que sa mère d'une grande beauté est la plus prisée des danseuses du le palais. C'est à ce titre qu'il est épargné, même s'il ne saisit pas encore exactement l'enfer que vit sa maman, car danser pour les riches et les nobles signifie aussi se faire rabaisser et attoucher comme bon leur semble. Mais sa mère ne veut pas l'inquiéter alors elle lui tait la vérité à ce sujet.

Dans leur petite chambre de serviteurs du palais, elle lui apprend les mouvements gracieux de ses danses alors qu'il est encore enfant, émerveillé par cette pratique artistique qui est un lien avec sa terre d'origine qu'il ne connaîtra malheureusement jamais. Ce sont des moments de complicité chers à son cœur, des moment qu'il gardera dans sa mémoire jusqu'à la fin de ses jours, même s'il ignore encore tout de la vie et de ce qu'elle lui réserve.

En grandissant, Alsaahir devient un jeune homme magnifique et alors qu'il atteint l'adolescence, la santé de sa mère décline, l'empêchant de continuer à danser. Pour qu'elle ne soit pas jetée en prison ou condamnée à mort puisqu'elle ne peut plus leur être utile, il décide de prendre sa place et explique à ceux qui s'occupent de gérer les esclaves qu'il a encore besoin d'elle pour lui apprendre à danser, pour l'aider à répéter ses chorégraphies, pour lui servir de mentor afin de servir convenablement le palais royal. Sa requête est acceptée, à son grand soulagement.

Durant ses représentations pour des publics plus ou moins privés, il va rapidement devenir la cible de regards déplacés qui ne lui plaisent pas le moins du monde. Ma la survie de sa mère et la sienne en dépendent : alors il danse, il danse jusqu'à ce que la fête s'arrête et que les derniers saoulards aillent se coucher. Mais au fil des années, les regards deviennent des mots, qui un jour deviennent des gestes. Il se souvient encore de la première fois où, durant une pause qu'il prenait pour se servir de l'eau pendant que d'autres danseuses prenaient le relais, il sentit une main se poser dans le bas de son dos puis descendre sur son fessier alors qu'un homme d'un certain âge et surtout d'une certaine carrure venait lui murmurer des choses dégoûtantes à l'oreille.

Il n'en fallut pas plus à Alsaahir pour lui jeter son verre d'eau au visage et repousser brutalement cette main déplacée. Mais on insulte pas de la sorte un invité comme ce chef de guerre dans une réception au palais. Alors qu'il s'évinçait de la soirée pour retourner dans ses quartiers, il fut rattrapé par la garde et battu jusqu'au sang tout en même temps qu'on lui annonçait que sa mère allait être décapitée pour l'affront qu'il avait fait. Il supplia, le visage couvert de liquide carmin, qu'on épargne sa mère tout en promettant de se tenir tranquille à l'avenir. De justesse, sa supplication fut acceptée par l'empereur qui lui ordonna de présenter des excuses en bon et due forme à l'homme qui l'avait attouché.

Ravalant sa fierté et condamné à devoir obéir pour le salut de sa mère, il s'exécuta et signa ainsi le début d'une longue période de mains baladeuses et autres vulgarités de la sorte. Maintenant il savait, il comprenait ce que sa génitrice avait enduré pendant toutes ces années pour le protéger.

Plusieurs décennies passèrent dans ces conditions et Alsaahir subit en silence les horreurs que l'on réservait aux esclaves. La journée et le soir jusqu'à une heure tardive, il servait le palais dans des tenues bien peu couvrantes en tant que serveur et danseur exotique. La nuit venue, il passait du temps avec sa mère qui lui racontait les légendes de son peuple avant l'invasion d'Arjun-Kamat, qui lui récitait des chants typiques et tout particulièrement une berceuse qui reste encore aujourd'hui gravée dans sa mémoire. Elle lui apprenait aussi quelques tours de magie qui lui seraient utile dans un avenir certain, elle n'en doutait pas. Car si sa santé avait décliné avec le temps, elle espérait encore pour son fils qu'il regagne un jour sa liberté.

Et c'est ce qui arriva, à l'aube de ses soixante-six ans, lorsqu'une rébellion dans la cité remonta jusqu'au palais royal, semant le chaos dans les couloirs. Si la révolte fut rapidement contenue par la garde, Alsaahir et sa mère - ainsi que d'autres esclaves - choisirent ce moment pour tenter une fuite. Rattrapés les uns après les autres et condamnés à subir des sévices physiques pour les plus utiles ou une mort rapide pour les plus chanceux, ce fut bientôt au tour d'Alsaahir et de sa mère de se faire encercler dans un couloir. Dans un dernier élan de courage, elle frappa au visage l'un des gardes qui leur bloquait le passage, provoquant assez de surprise chez les hommes venus les arrêter pour qu'ils puissent se remettre à courir.

Un couloir, puis un autre, la sortie n'était plus très loin quand on connaissait les petits raccourcis du palais. Ils étaient presque arrivés à destination lorsque la mère d'Alsaahir chuta sur le sol car l'endurance lui manquait à cause de sa santé fragile. Son fils s'arrêta net et rebroussa chemin pour l'aider à se relever mais voilà que la garde fit son apparition. Ils les avaient rattrapés.

« Cours mon fils, va, enfuis toi ! Vas-t-en ! »

Hurla la femme tout en se débattant contre les hommes qui venaient de la saisir. Impuissant, Alsaahir regarda sa mère se faire malmener tout en continuant de lui crier de partir.

« Danse mon fils, sauve ta vie et danse quand tu seras libre ! »

Les larmes aux yeux, il reprit sa course vers la sortie dérobée du palais qui n'était plus qu'à quelques mètres désormais. Deux gardes se mirent à foncer dans sa direction tandis que les autres tenaient toujours sa mère captive. Mais alors qu'il s'apprêtait à sauter par la fenêtre pour atterrir sur un toit en contrebas qui lui permettrait de continuer sa course hors des murs de cet enfer, le rideau de voile léger prit une teinte et une forme étranges qui ondulait comme si une forme de magie était à l'œuvre.

Mais Alsaahir n'avait pas le temps de se poser plus de questions et alors qu'il se retournait une dernière fois pour voir le visage de sa mère, un garde égorgea cette dernière et il laissa les larmes rouler le long de ses joues tout en passant par la fenêtre qui se révéla être un portail vers un autre monde.

La garde ne l'avait pas suivi ; il avait dû littéralement disparaitre sous leurs yeux et jamais, non jamais plus il ne ferait machine arrière, peu importait ce qu'il deviendrait dans cette cité mystérieuse et hors du temps qui s'ouvrait à lui. Il s'effondra sur le sol de la périphérie où son portail l'avait mené et pleura toutes les larmes de son corps pour sa mère qui s'était sacrifiée pour lui. Son visage terrorisé et la large entaille dans sa gorge désormais gravés dans sa mémoire, tel un cauchemar qu'il ne pourrait pas effacer.

Il lui fallut un peu de temps pour s'acclimater à la cité des plaisirs, pour tenter de faire son deuil et surtout pour prendre conscience de sa liberté. Il finit par rejoindre un cabaret où il pouvait danser sans contrainte et sans personne pour lui dicter sa conduite. Nouvelle étoile montante de ce cabaret depuis maintenant un an, Alsaahir cherche encore à échapper à son passé qui revient le hanter lorsqu'il ferme les yeux.